Je la respire dans les alizés, la poésie, le soleil se lève de plus en plus tôt, les embruns plus chaud, les couleurs changent avec douceur. La traversée de l'atlantique vers l'Amérique du sud est souvent très calme. Le temps ralenti, la vie nous envahi, nous changeons de monde. Quel plaisir de ne plus recevoir de factures, ni de convocations administratives, mon adresse change chaque jour au gré des vents et des courants. Nous approchons des côtes du Brésil au petit matin, je ne peux m'empêcher de penser aux premiers esclaves vendus en ces terres nouvelles, l'or volé, les perles de verre, les bois odorants, la culture des tribus bafouée. Hommes qui ont mit à sac de paisibles populations africaines et indiennes, leurs cris et leur souffrance gravés à jamais dans notre histoire. Une ligne sombre se pose sur l'horizon, une frégate vole entre les mâts, l'odeur de la terre parvient jusqu'à nous, le Brésil nous ouvre les bras, je ressens déjà, que ça sera l'une de mes plus intense découverte, la mer est calme, un clapotis léger longe la coque, le bateau du pilote se dessine au loin, je vais descendre l'échelle de coupée pour l'accueillir, un nouveau jour éclaire le monde. La clarté du rivage, baigné d'un franc soleil, la langue chantante du pilote, me parvient déjà. Les maisons petites blanches entourées de buildings blanchis par le soleil, rappellent le passé. Nous avons suivi pour traverser l'atlantique, exactement le même cap que les clippers aux soutes remplies d'esclaves, pour l'aller et d'or pour le retour, à cette pensée me vient, je ne sais pourquoi, un remord absurde. La mer rapproche les âmes à travers le temps, mystère maritime.
Entre deux mondes (extrait)
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